Sur les chemins du Mercantour
5h30, sonnerie du réveil. La journée s'annonce prometteuse sur les pentes et dans les cimes du Mercantour. La destination choisie, le lac de Trécolpas, donne à rêver. Parmi les plus hauts lac naturels d'Europe (le lac est notamment précédé par celui d'Allos), Trécolpas donne à rêver.
2h30 de route seront nécessaires pour parvenir au parking du lac du Boréon, point de départ de la marche vers les 2150 mètres d'altitude du lac. 500 mètres de dénivelé positif attendent les marcheurs au départ de la vacherie du Boréon pour une ascension progressive, mais néanmoins casse-patte, de 10 km. Deux raidillons taquinent les chevilles et genoux, mais l'effort est récompensé d'une vue splendide sur le Mercantour et le lac.

Jusque la balise 424, le sentier alterne entre faux plats et raidillons. Le 1er d'entre eux laisse un souvenir amer aux genoux et l'on sait que le plus dur est à venir à partir du Gias Peïrastrèche. D'ici, le choix de passer par le refuge de Cougourde ou de poursuivre sur le GR52 est donné. Pour plus de facilité, le tour par Cougourde s'annonce moins sévère. A ce stade de marche, le choix du GR52 permet de rejoindre plus rapidement le lac, au prix d'un effort plus court mais plus intense.
Continuant le long du GR52, le lac est à 15-20 minutes, en prenant le temps de regarder derrière soi pour admirer la vue et l'impressionnant dénivelé absorbé par les jambes. Au loin, les cimes se distinguent à peine, perturbé dans notre vision par un brouillard qui ne s'estompera qu'à l'arrivée au lac. La vision s'élargit, et rapidement, le grand angle sera mis à profit pour capter l'immensité des espaces.
L'ascension se caractérise par la multitude de cadrages rendus possible par la succession de paysages très différents. D'une perspective sur les conifères de l'adret, l'oeil passe à l'intimité de cascades à peine remarquables par le bruit qu'elles génèrent. Les plus beaux endroits sont cachés, semblant se révéler uniquement à celles et ceux se donnant la peine de glisser quelque peu hors du sentier battu. L'occasion de croquer quelques fraises sauvages préservées de la faune sauvage.
Les premiers cadrages sont choisis après avoir été pensés préalablement. Les lieux ne sont, en effet, pas inconnus de mes objectifs. Une première escapade, ajournée par un orage comme seule la montagne sait en produire, avait permis le repérage de quelques lieux où les compositions semblaient prometteuses. Il n'y avait plus qu'à se mettre en action alors que la brume ne cessait de jouer avec un soleil qui resta caché une bonne partie de la journée.
Le 1er "spot" repéré était situé en rive gauche du Boréon, peu après le chalet Vidron, avec comme point de mire la cascade de Peïrastrèche. Plusieurs façons d'y accéder peuvent permettre différents cadrages. Ici, l'idée était de ne pas faire de la cascade l'élément central de la prise de vue. Elle devait permettre simplement de souligner que la région, riche en eaux torrentielles, est soumises à des inondations que le relief rend encore plus impressionnantes. Régulièrement, sur le parcours, des implantations de pierre, en travers du sentier mais jamais à la perpendiculaire, révèlent la volonté de l'Homme de canaliser ces flux hydrauliques.
Au delà de la comparaison entre les deux précédentes photos, mon oeil a cherché à mettre en exergue cette puissance de l'eau, particulièrement visible à Peïrastrèche, où le lit du cours d'eau se ressert en passant sous le pont. En observant attentivement le mouvement de l'eau de surface, un tourbillon apparaît à l'oeil, quand celui -ci ne fige son attention précisément : en regardant dans le vide, la forme tourbillonnaire apparaît plus franche encore.
C'est également dans ce lieu que l'on enjambe pour la première fois le torrent du Boréon. Sa puissance marquée à cet endroit permet de comprendre que Peïrastrèche est le point le plus bas du bassin versant du Boréon et également, par le jeu du relief, son bassin de réception.
Le débit, à cet endroit précis, ne s'accélère plus : l'eau est en roue libre jusque la cascade, là, où elle prend encore plus de vitesse.
Mêlé à des conditions météo très changeantes ce jour là, ce phénomène gagnait en intensité lumineuse au passage des nuages chargés d'eau. Il n'y avait plus qu'à attendre le bon moment pour figer quelques secondes durant le mouvement du temps et de l'eau.
La suite de la balade est le premier casse-patte du parcours : dans cette montée, on appréciera les arbres aux formes que seul le climat peut expliquer : troncs arrondis à leur base par le poids de la neige l'hiver, puis droits comme des -i- pour aller chercher la lumière, rare sous des cimes bien plus hautes d'arbres plus âgés. La Nature livre ici un message qui invite à la contemplation.
Plus loin, de rus en petits torrents, l'eau est omniprésente : le sentier serpente le long du Boréon et s'éclaire de trouées solaires qui révèlent la richesse de la flore et de la faune, quand nos pas ne l'ont pas incité cette dernière à chercher quiétude plus en hauteur encore. Là, le cours d'eau chemine entre les pierres, leur conférant des textures lissées, pleine de douceurs. Peu avant l'ascension du second casse patte, une partie plate fait se rejoindre trois affluents du Boréon (voir à 1:35 de la vidéo) au milieu d'un décor de verdure chatoyant et relaxant. Une pause permet d'apprécier tout ce qui vit et se trame sous nos yeux, dans le silence des feuillages et les épaisseurs de mousse spongieuse.
Le Lac de Trécolpas
Au terme de la marche, le but est atteint : nous ne passerons pas le col du Pas des Ladres (2 448 mètres), passage obligé vers le sanctuaire de la Madone de Fenestre. Ce sera pour une autre fois.
A l'arrivée, le lac se dévoile progressivement, et bien que l'île apparaisse rapidement, il faut gravir quelques mètres pour voir le site se dévoiler tout entier. Le tour en est possible mais il faudra passer par des accès qui ne sont pas établis en tant que tel : à vos risques et périls !
L'île au centre est accessible via un chemin dessiné sous l'eau. Par temps clair, le cheminement se révèle bien à qui veut le voir.
Sur cette prise de vue, l'idée était d'associer la rudesse des cimes et crêtes, faites de blocs de pierre de différentes tailles - souvent découpé par leur propre chute - et la douceur florale relayée au second plan par le calme du lac. Sur site, peu de poussière et une impression de minéralité exacerbée viennent renforcer ce contraste naturel.
Le traitement de cette photo fut long, les conditions météorologiques du cliché n'étant pas celles représentées sur la photo. Alors que la pénombre et le début de l'heure bleue semblent s'annoncer, ce cliché a été pris en plein après-midi ! La magie de la photographie numérique réside dans cette capacité à traiter un cliché de mille façons différentes. Est-ce pour autant mentir ? Oui, si l'on considère que la photo doit révéler une vérité, celle de l'instant. Non, si l'on conçoit la photo de manière plus artistique et délibérément affranchie d'un devoir de vérité.
Ici, la photo est prise en pensant préalablement le développement. Plutôt que d'exposer correctement l'ensemble du cliché, une importance particulière fut portée sur la gestion de la dynamique et une sous-exposition volontaire a limité les ombres sur le cliché qu'une exposition correcte aurait marqué de façon plus vive.
Les alentours du lac donnent une belle idée de l'immensité de ce coin du Mercantour. La vue panoramique en surplomb du lac, quand celui-ci est dans le dos, offre de belles perspectives. Le temps nuageux permit ce jour de cadrer en pose longue, conférant une notion de vitesse dans des temps de pose plutôt longs (15 à 45 secondes). A l'inverse, des temps d'obturation plus courts ont permis de figer des ambiances plutôt inhabituelles.
Si la pose longue permet de sublimer les paysages (à condition de bien la maîtriser et de penser son cadrage avantde déclencher), les instantanés et des obturations plus rapides trouvent toute leur efficacité dans les paysages du Boréon. La série de clichés suivants, intitulée "Eaux vives", décloisonne complètement mes habitudes photographiques et mon rapport à l'eau. Si les cascades se prêtent idéalement à la lenteur de l'obturation, certains cadrages, conférant des jeux de lumières et reflets à l'eau mérite mieux qu'un filé qui s'y prêterait peu.
Parallèlement à ces clichés, l'envie d'immortaliser certaines lumières en bord de rivière me permit de réaliser quelques cadrages qui confèrent au paysage, une dimension plus intime. Parce que oui, revenir à ses premières amours en photographie fait très souvent du bien, notamment lorsque l'on habite en Provence, surtout quand la pluie n'a pas pointé le bout de son nez de manière significative depuis des mois.
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